La Source s’emballe

Les perruquiers d’Angoulême à la pointe du combat politique

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Doléances et revendications

Les cahiers de doléances sont bien connus des historiens. Ils représentent une source exceptionnelle sur l’état d’esprit de la population avant le début de la Révolution. Il est généralement admis qu’ils sont structurés par quatre grands types de doléances et de revendications :

  • L’impôt : le système fiscal et le poids des taxes sont jugés arbitraires. L’égalité de tous devant l’impôt, garantie par la tenue régulière des Etats généraux, est une demande forte.
  • La hiérarchie et les entraves sociales : l’organisation sociale reposant sur les trois ordres est perçue comme un frein à l’initiative privée. L’abolition des privilèges et des taxes associées à ces privilèges, comme le droit de franc-fief (redevance due par un roturier en cas d’acquisition d’une terre noble), est exprimée.
  • La justice : perçue comme inique, voire brutale, les cahiers font apparaître une volonté de grande « réformation », en même temps qu’un souhait de proximité.
  • La liberté économique : la propriété apparaît comme un fondement important, bien que les cahiers soient partagés sur le degré de « libéralisme » à introduire dans le système économique.

Le cahier des perruquiers est le témoin de ces préoccupations, auxquelles il en ajoute de plus novatrices et typiques des sociétés urbaines, comme la liberté de la presse ou la nécessité de disposer d’un gouvernement éclairé par des contre-pouvoirs. On ne peut qu’apprécier le fond et le style de ce texte.   

 

Extraits choisis

Sur l’impôt

« Tout Français sera autorisé à refuser le payement de l’impôt et l’exécution de toute loi si on ne lui fait apparaître du consentement des états généraux. »

« Depuis trop longtemps le tiers état seul supporte des impôts onéreux ; il est pressant de faire cesser ce criant abus des privilèges. Il convient donc de demander que toute espèce d’impôt ainsi que cellui pour la corvée soyent également suportés par tous les ordres de citoyens sans nulle distinction. »

« Le régime des aides, dont les droits sont si diversifiés, occasionne d’odieuses vexations. Les employés de cette partie, pour se faire un mérite de leur zèle aux yeux de leurs supérieurs, font trouver souvent des coupables où il n’y en a point. Il est donc à désirer que […] le peuple soit débarrassé de ces légions d’employés qui exercent à son égard une espèce d’inquisition. »

[A propos des droits de contrôle des actes :]« Et cellui qui croyait avoir satisfait à tout, qui se croyait tranquile, se voit entrepris par ces agents du fisc et impitoyablement rançonné. »

« Le droit de franc fief est humiliant et vexatoire pour la classe précieuse du tiers état. Il préjudicie à l’agriculture, puisque souvent il écarte de l’acquisition des fonds nobles des roturiers qui en amélioreraient et augmenteraient la culture ; il est donc bien à désirer qu’il soit aboli. »

Sur la justice

« On sait combien on a abusé des lettres de cachet, combien elles ont été funestes à des infortunés dont tout le tort était d’avoir déplu à des gens puissans. […] Que là où elles existent, il ne peut y avoir ni liberté, ni propriété. »

« Notre procédure criminelle est tellement défectueuse que l’innocence dans les lieux de la justice ne peut que trembler. Que d’innocens en effet ont été sacrifiés à l’ignorance, à la prévention et à la passion ! L’humanité et la raison réclament hautement la réformation de cette procédure. »

« Un procès est sans doute un malheur, mais il le devient encore davantage lorsqu’il faut aller chercher la justice trop loin de ses foyers. »

Sur la presse

« La liberté de la presse est un boulevard de la liberté des citoyens. En effet, par son moyen, les sujets de l’Etat sont éclairés sur leurs véritables intérêts, et les projets des chefs de gouvernement contre le bonheur de la nation sont dévoilés. »

Sur le gouvernement

« Louis 16, d’après sa tendre sollicitude pour la nation, veut la régénérer. Mais qui répondra que ses successeurs lui ressembleront ? Il faut donc profiter de la circonstance où l’on se trouve pour asseoir le bonheur de la nation sur une bâze solide. Et pour cela que faut-il faire ? Empêcher le despotisme de s’introduire de nouveau dans le gouvernement par le moyen d’une assemblée nationale périodique, qui aura le droit d’accorder ou refuser l’impôt, et de vôter toutes les fois qu’il s’agira de porter une loi quelconque. »

 « Le produit du domaine de la Couronne est si modique qu’il entre pour très peu de chose dans les dépenses du gouvernement : […] il conviendrait donc de demander que la loi de l’inaliénabilité fut révoquée, que le domaine fut vendu (à l’exception toutesfois des forêts) au plus haut enchérisseur et que le produit de la vente en fut employé à acquiter une partie des dettes de l’Etat. »

 « Les puissances intermédiaires sont si nécessaires dans une monarchie que sans cette institution elle dégénère en despotisme. Cependant, nous avons vu des ministres pervers entreprendre de détruire les parlemens, ces antiques tribunaux qui tiennent à notre constitution et à qui dans l’instant nous sommes redevables de la convocation de l’assemblée nationale. »

 

Les cahiers de doléances charentais ont été intégralement numérisés : ils sont à retrouver dans la rubrique Opinion et presse ou dans l’accès chronologique Révolution française. En complément, la Bib’historique tient à votre disposition en salle de lecture une sélection d’ouvrages sur le sujet, dont la belle synthèse de Pierre Serna, Que demande le peuple ?, richement illustrée (avec notamment quelques cahiers charentais !). 

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