Voir toutes les images (5)

Walking dead, White walkers et autres marcheurs de séries télévisées

La marche a la cote. Y compris quand il s’agit d’imaginer de terrifiants zombies ou de menaçants revenants. Les fantômes aperçus en 1608 en Angoumois pourraient parfaitement inspirer la prochaine série en vogue.

Le titre est déjà tout trouvé : L’espouvantable et prodigieuse vision des fantosmes au nombre de douze mille advenus au pays d’Angoumois et veüz pas les habitans de là en grande admiration. Un peu long peut-être ? Mais il a le mérite de poser clairement les choses. Déroulons le scénario.

Par une journée claire au « pays d’Angoulmois », de petits nuages se mettent soudain à descendre sur terre et prennent une apparence humaine. Leur nombre augmente jusqu’à 12 000. Il s’agit de « grands et beaux hommes », munis d’armes bleues, de tambours et d’enseignes rouges et bleues. Un chef, « de grande apparence », commande la troupe et marche en tête. Ils se dirigent « en grand haste » et comme « gents de guerre » vers la forêt, coupant à travers champs et semant l’épouvante sur leur passage. Arrivés à destination, ils pénètrent dans la forêt où… « ils se perdirent tous et depuis ne parurent plus ».

Bon, d’accord. La chute n’est peut-être pas tout à fait au point. Et l’ensemble manque sans doute d’une héroïque bataille des vivants contre les morts. Il y a bien quelques gentilshommes, alertés par les paysans, qui enfourchent leur cheval mais ils se contentent de suivre les fantômes à prudente distance. Scénario à reprendre donc.

Pourtant, nous ne sommes pas dans de la fiction. Nous ne sommes pas vraiment dans la réalité non plus. De quoi s’agit-il alors ?

Un court récit anonyme

L’espouvantable et prodigieuse vision des fantosmes… est un court texte publié de manière anonyme en 1608, et dont les Archives de la Charente conservent une copie. Il est représentatif d’une forme de littérature en vogue sous l’Ancien Régime, qui n’hésite pas à mobiliser le surnaturel et le paranormal pour délivrer des messages politiques. Bon nombre de récits mettent en scène la rencontre entre les vivants et les spectres, revenus délivrer leur « vérité ».

Dans le cas présent, la rencontre a lieu, mais elle est distante : les fantômes ne prennent pas la parole et les vivants se tiennent loin d’eux. Il s’agit plutôt d’un texte traduisant les angoisses du temps : l’hiver 1607-1608 a été extrêmement rude, et la fin du règne d’Henri IV estompe peu à peu les espoirs de paix nés après son accession au trône et la signature de l’Edit de Nantes. Dans sa première partie, le texte ressemble à un prêche et décrit, pêle-mêle, plusieurs phénomènes inquiétants : cherté des vivres, passage de la comète en 1607, crue de la Loire et autres « prodiges ». L’apparition des fantômes s’inscrit dans cette effervescence : ils sont explicitement perçus comme des « symboles de guerre », le dernier malheur suprême qui pourrait advenir.  

L’espouvantable et prodigieuse vision des fantosmes… est un des nombreux ouvrages de la Bib’historique. Consultez le catalogue en ligne ou venez profiter d’un moment en salle de lecture !